La Civilisation des machines est la civilisation de la quantité opposée à celle de la qualité.

Messages : 7 Date d'inscription : 23/11/2014

Sorbane se plia en deux.

La gigantesque presse la cachait parfaitement en étant debout, mais l'espionne ne voulait courir aucun risque. On lui avait dit que cette imprimerie recelait un secret caché au Consortium. Et elle voulait le trouver.

L'homme au chapeau de feutre jouait un double jeu. Mais elle voulait comprendre lequel.

Dans la semi obscurité, rompue seulement par des chandelles, même sa cape verte ne pouvait passer pour un élément de machine. Malgré les plis et les ombres de son tissu, le vert sombre ressortait encore sur l'aspect cuivré, brillant des machines.

Amenant soudainement une main devant ses yeux, elle rouspéta. Elle venait de se mettre de la graisse. Et la graisse, cela ne partait pas ainsi.

Afin d'éviter tout malentendu, elle n'avait pas pris avec elle son arbalète. Comment, si elle se faisait attraper, aurait-elle pu justifier sa présence avec un objet aussi incongru dans un tel lieu ? Non, Sorbane Osca n'était venu, ce jour là, qu'avec ses couteaux de cuisse. Non. Pas de cuisine. De cuisse. Vous avez bien lu. Car ils s'attachent à la cuisse.

Peut-être aurait-elle dû prévoir davantage en cas de soucis ? Sa longue lame la sortait toujours des pires situations. Mais il aurait été incongru, là aussi, de se faire prendre avec un tel objet en sa possession.

Elle en était là de ses réflexions lorsqu'elle vit une lueur se rapprocher. Une lanterne tenue à bout de bras faisait danser les ombres sur les machines. Les bruits de pas se faisait de plus en plus proche.

Elle inspira un bon coup et se mit en position de bricolage. Il fallait pouvoir expliquer ce qu'elle faisait là, pliée en deux, couverte de graisse, près d'une presse mécanique, si elle se faisait surprendre.

Et puis, n'était-ce pas la meilleure façon de rentrer dans l'histoire ?

Messages : 7 Date d'inscription : 13/11/2014

La nuit était vite tombée. Et mon travail venait comme d'habitude de commencer. Je ne savais pas ce qu'il m'avait pris de signer pour faire en plus de mon boulot de mécano, celui de veilleur de nuit. Et cela trois nuits par semaine. Sans doute le supplément financier. Mais l'effort valait-il ces quelques pièces supplémentaires ? J'en doutais souvent. En fait, exactement trois soirs dans la semaine. Et j'étais seulement content d'avoir gardé ce job une fois par mois. À la paye. Ça fait plus de temps ou je ne suis pas content que celui où je le suis. Mais mes dettes m'obligeaient à poursuivre tout ceci.

La lanterne à la main, je m'essuyai le front. Il faisait chaud avec toutes ces machines en fonctionnement. Mes pas résonnaient dans l’entrepôt désert. À cette heure si, il n'y avait personne.

Continuant mon chemin, je vis les presses continuaient à tourner à plein régime. J'en étais assez fier car j'étais responsable de leurs entretiens la journée. Quand je vis une cape verte ondulée près d'une de mes machines. Je ne bougeai plus, réfléchissant à la meilleure solution pour résoudre ce problème. D'autres collègues m'avaient parlé de fouineur qu'ils avaient déjà croisé ici. Et qu'en général, une simple phrase d'alerte suffisait à les faire fuir. Je décidai de tenter ma chance.

« Hey vous ! Vous n'avez rien à faire ici ! »

Pendant ce temps, une autre paire d'yeux observait la scène. Elle avait aussi remarqué la fille qui essayait de se faire passer pour une chose qu'elle n’était pas. Cette fille devait débuter dans le métier.
Le propriétaire de la paire d'yeux décida de voir comment elle se sortirait de ce pétrin. Car elle avait sans doute déjà compromis sa mission en rendant l'homme vigilant. Tout en restant dans l'ombre, il redressa son chapeau en feutre et replaça ses lunettes spéciales sur son nez, calculant rapidement une porte de sortie en cas de besoin.

Messages : 7 Date d'inscription : 23/11/2014

Le bruit dans la salle était gênant. La vapeur et les cliquetis de la presse et des autres machines lui empêchaient de bien entendre l'avancé de l'individu à la lanterne.

Sorbane Osca ne bougea pas. Elle était consciente que si on la regardait, on ne devait pas voir autre chose qu'une personne travaillant sur du matériel, concentré à sa prochaine tâche.

Mais elle avait oublié un détail, elle en était consciente, et il était trop tard pour remédier. Elle trouverait une solution à la presse encore en marche. Oui, elle justifierai qu'il était nécessaire qu'elle la voit en action pour voir le défaut. Heureusement, pour elle, la jeune espionne avait de la ressource.

Elle sursauta.

L'homme avait une voix grave. Elle se retourna pour le regarder, posant un air surpris sur son visage.

"Oh, bonsoir." dit-elle avec un sourire. "Je ne m'attendais pas à trouver un collègue ce soir."

Elle se redressa, pleine de graisse, et lui tendit la main. Il était plutôt mignon. Peut-être un peu bourru, mais mignon.

"On m'a demandé de vérifier cette presse, elle semblait faire un drôle de bruit selon les imprimeurs."

Elle pointa la fameuse machine de la main, se tournant à demi pour la regarder. Finalement, c'est le jeune homme qu'elle fixa de nouveau de ses beaux yeux. Un peu de sueur faisait briller son visage dans la semi-obscurité. Elle avait chaud elle aussi.

"Habituellement je suis dans une autre usine, nous avons pas de garde nous, le soir."

Elle le détailla de haut en bas, avec plaisir.

"Vous êtes bien garde n'est-ce pas ?"

Messages : 7 Date d'inscription : 13/11/2014

J'espérais qu'elle fuirait. Que cette silhouette fine parte en courant loin d'ici. Mais elle n'en fit rien.
À ma grande surprise, et avec une sensation au cœur que je ne saurais définir, elle se retourna vers moi.
Elle avait un air d'étonnement sur son visage. Oui, c'était une fille. Une jolie fille. Mon cœur se serra encore plus.

"Oh, bonsoir." me dit elle avec un sourire.

Elle était vraiment belle.

" Je ne m'attendais pas à trouver un collègue ce soir."

Un collègue ? Hein ? Comment ça ?
Elle me tendit une main graisseuse avec au visage toujours ce sourire charmeur.
Totalement perdu, je serrai sa main doucement puis la relâcha. Je secouai ma tête vivement en me faisant de l'auto persuasion.
Non, c'est juste une voleuse ! Il ne faut pas que je me laisse avoir par son charme. Il faut que j'appelle la milice. Elle n'a rien à faire ici !

"On m'a demandé de vérifier cette presse, elle semblait faire un drôle de bruit selon les imprimeurs."

Elle me désigna la machine B-412/C. Je m'étais occupé de son entretien hier, et elle fonctionnait parfaitement. Le stress m'envahit et de la sueur se mit de nouveau à couler de mon visage.
Peut-être disait elle la vérité. Mais mon instinct ne voulait pas y croire.

"Habituellement je suis dans une autre usine, nous avons pas de garde nous, le soir."

Ils auraient mandaté une mécano d'une autre usine . Ce serait possible, mais pourquoi ils ne m'ont rien dit ! Et Istarel serait malade . Normalement c'est lui qu'on appelle quand y a un problème et que je ne suis pas disponible.
Elle me regarda de haut en bas, mais j'étais perdu dans mes réflexions que je n'y fis même pas attention. Elle me fit retourner dans la réalité avec sa prochaine phrase.

"Vous êtes bien garde n'est-ce pas ?"

Je mis une main derrière ma nuque, l'air gêné.

« Oui, enfin... Pour dépanner. Vous comprenez... Besoin d'argent... »

J'arrivais pas à aligner deux mots correctement. Et puis pourquoi je lui révélais ça moi ? Je secouai la tête pour me remettre les idées au clair.

« Mais tout ça ne me dit pas ce que vous faites là. Je n'ai eu aucune note de service moi. Avez-vous un bon de travail ? Et puis, qu'est-ce qu'elle a cette machine ? »

Je la regardai d'un air très sérieux. J'attendais des réponses. Et les bonnes.

Elle ne savait pas. Une néophyte. Un sourire apparut sur mon visage. Mais cela, nul ne le vit. Je savais que l'homme en bas était un mécano qui faisait des heures supplémentaires pour rembourser ses dettes de jeu. Il avait 38 ans, célibataire et sans enfant. Il s’appelait Ipkhis. Une petite somme aurait pourtant permis de l'acheter. Mais elle y était allé les mains vides. Sans même une arme. N’empêche qu'elle avait du courage. Et finalement, son approche me donnerait peut-être une ouverture. Mais par sécurité, j'attendis de voir ce que l'échange entre les deux donnerait. Si par hasard, il se laisserait berner, j'irais m'occuper de la raison de ma venue.

Messages : 7 Date d'inscription : 23/11/2014

Ce bel homme avait besoin d'argent. Sorbane sourit davantage encore, si c'était possible. Il était mignon avec son honnêteté.

Il secoua soudain la tête, elle en profita pour s’essuyer légèrement les mains sur ses braies.

Il semblait s'indigner soudain. Que personne ne l'ai mis au courant semblait le rendre nerveux. L'espionne comprenait. Elle n'aimait pas non plus se retrouver devant des faits accomplis.

Mais le plus gênant pour elle, c'est qu'il demandait un bon de travail. Qu'allait-elle bien pouvoir dire pour confirmer sa présence ? Soudain, ce fut l'idée de génie. Cette homme avait une corde sensible, elle allait l'exploiter jusqu'au bout.

Sorbane se mordilla les lèvres, gênée. Les mains dans le dos, elle se tortillait légèrement.

"C'est que... Ce n'est pas moi qui devait venir."

Soudain elle s'exclama.

"Vous n'allez pas me dénoncer, hein ? J'ai payé votre collègue pour qu'il me laisse venir à sa place !"

Elle fit un petit pas en avant, tendant les mains vers cet homme qui avait le pouvoir de la condamner.

"Je vous en supplie, je voulais juste prouver de quoi j'étais capable."

Elle fit une légère grimace, se penchant davantage vers lui.

"C'est... c'est lui qui a gardé le bon."

Elle rougie.

"Du coup, je ne suis pas sûre de faire convenablement les choses."

Lui jetant un regard en coin, elle lui fit un petit sourire.

"Vous pouvez m'aider s'il vous plait ?"

Messages : 7 Date d'inscription : 13/11/2014

Je l'observai attentivement, attendant sa réponse. Elle se tortilla, les mains dans le dos. Ça lui donnait un certain charme à vrai dire mais je restai concentré sur les réponses aux questions que j'attendais.

« C'est que... Ce n'est pas moi qui devais venir. »

Un air surpris apparut sur mon visage, elle dut le voir car elle s'exclama juste après :

« Vous n'allez pas me dénoncer hein . J'ai payé votre collègue pour qu'il me laisse venir à sa place ! »

Elle s'approcha de moi, tendant les mains d'un geste supplicateur. J'étais en même temps gêné et fier.
Fier d'avoir un certain pouvoir sur elle, et gêné de voir quelqu'un se rabaisser à ça.

« Je vous en supplie, je voulais juste prouver de quoi j'étais capable. »

Une grimace apparu sur son visage qui s'approchait de plus en plus de moi. Elle tentait de me faire croire que dans le but de prouver ses compétences, elle avait arrangé sa place avec un mécano d'une autre usine qui devait lui-même remplacer Istarel. C'est gros. Trop gros pour être vrai. Mais il était simple de le confirmer.

« C'est... C'est lui qui a gardé le bon. »

Son visage devient encore plus rouge qu'il ne l'était déjà à cause de la fournaise des machines en fonctionnement.
Moi ce que je voyais, c’était une femme sans bon de travail avec une excuse bidon qui rôdait autour des machines. Si c’était une tentative de sabotage et que la machine tombait en panne, j'en paierais les conséquences, et ça j'étais loin de le vouloir

« Du coup je ne suis pas sure de faire convenablement les choses. »

Elle me fit un sourire charmeur.

« Vous pouvez m'aider s'il vous plaît . »

Je mis d'un air gêné une main dans mes cheveux, me grattant la tête.

« Écoutez Madame, moi je demande qu'à vous croire. Mais mettez-vous à ma place. Vous verrez que votre histoire est dure à croire. Vous n'avez pas de bon de travail, je ne suis pas au courant de votre venue et je vous trouve à fureter auprès des machines. Il ne manquerait plus que vous n'ayez pas votre attestation de mécanicienne assermenté par le Consortium sur vous. »

En réfléchissant à mes propos, je m'arrêtai net.

« Vous l'avez au moins? »

Je trifouilla dans ma tenue et en sortie un papier tamponné de l'emblème du Consortium que je lui mis sous les yeux.

« Ce document. Montrez-le-moi. »

Mon intuition me faisait dire qu'elle ne l'avait pas.

« Si vous ne l'avez pas... »

Je la regardai de haut en bas. C'était une belle femme, et cela faisait longtemps...

« On peut toujours trouver moyen de s'arranger. »

Je jeta un œil à la machine. Si la fille y avait touché, je n'en voyais aucun signe.

Ha, les faiblesses de la chair. Tout homme de sa trempe pouvait y être corrompu. Et la fille ne manquait pas d'atout pour corrompre. Attendons de voir si elle allait y céder pour sortir de ce mauvais pas. Loin de moi l'idée de regarder. Mais profiter du temps où ils seraient « occupés » pourrait s'avérer très profitable à mes besoins. Un sourire carnassier apparut à mon visage.