Une vie Sainte

Messages : 10 Date d'inscription : 14/11/2014

Le Gong sonnait. Sa première sonnerie de la journée, sept heures après la mi-nuit.

Merbal Descartes, finissant sa toilette, regardait son image dans un reflet. Glissant lentement sa main le long de sa joue, il constata que la barbe n'était pas trop longue. La couper pouvait attendre quelques jours, n'étant pas encore de la longueur de ses cheveux. Ceux-ci s'égouttaient lentement sur sa tête, faisant de petites trainées d'eau le long de son dos et de son torse. Les quelques poils disgracieux de celui-ci ne le gênaient pas. Trop peu nombreux pour qu'il soit utile de s'en occuper, Merbal attrapa sa toge et, sans s'essuyer davantage, la glissa sur ses épaules. Aussitôt de légères traces humides se firent sur le tissu pourpre.

Regardant de nouveau son visage, il se massa le contour des yeux. Aujourd'hui, ce serait pour lui une journée de fidélisation. Il resterait dans le Dôme et aiderait les fidèles qui en auraient besoin. Réellement besoin. Il n'était pas utile de s'encombrer de personnes qui ne respectaient pas les dogmes de la Main.

Une fois satisfait de l'image qu'il renvoyait, le jeune Éveillé prit sur le rebord de la fenêtre son chapelet de perles. Ce soir, il le nettoierait. En attendant, Merbal devait s'acquitter de son devoir.

Il sortit de sa chambre et s'avança d'un pas serein dans le couloir menant au Dôme, saluant au passage les deux ou trois Éveillés qui, comme lui, avançaient pour accomplir leur tâche.

Le Dôme ouvrait ses portes.

Messages : 7 Date d'inscription : 13/11/2014

La Main m'avait confié une tâche, à moi : l'Auriculaire. Et je devais pour cela demander à mes plus fidèles Éveillés de m'aider.

Ce temple étant récent, il était donc difficile de savoir à qui pouvoir confier une telle tâche. Je priai Dieu de me montrer un signe puis, dans mes réflexions me dirigea vers mon balcon intérieur, me donnant une belle vue sur l'intérieur du temple. C'était l'heure où le dôme s'ouvrait, permettant aux Éveillés de venir accomplir leur tâche. Quand une idée me vint : les plus fidèles étaient forcément les premiers à venir distribuer la parole de notre seigneur. Un groupe de trois Éveillés rentra dans le Temple, suivi par plusieurs autres. Mais c'était décidé, je posai mon dévolu sur ces trois-là.

Je me tournai vers ma plus fidèle servante et lui demandai :

- Qui sont ces trois Éveillés ?

Elle regarda les trois hommes que je désignai.

- Ce sont Merbal Descartes, Éliza Bafir et Lazar Fedire, Grande Prêtresse.

Je hochai la tête.

- Bien. Amenez-les-moi. Je dois leur parler.

Elle partit sur le coup, me laissant seule à mon balcon. J'en profitai pour réfléchir à la manière dont j'allais leur expliquer la mission que la main m'avait confiée et l'honneur que je leur faisais en leur permettant de m'aider à l'accomplir.
Je vis ma première servante s'approcher du groupe de trois Éveillés choisis par le destin.

Messages : 10 Date d'inscription : 14/11/2014

Le jeune Éveillé était le premier. Satisfait, il se dirigea immédiatement vers l'entrée du Dôme pour accueillir les premiers fidèles.

Ils n'était pas nombreux. Peut-être celui-ci titubant de peine, les yeux levés vers les icônes de Foi, semblait le plus à même d'être digne de la fidélisation de Merbal Descartes.

Glissant lentement un pas dans sa direction, sa toge virevolta doucement comme il changeait d'orientation. Le son du tissu, celui de ses sandales sur le sol marbré, les perles tiquant doucement dans sa main, tous ces sons qui faisaient son quotidien le faisaient vibrer.

Un instant, une jeune femme se mit devant lui, inclinant le buste pour le saluer.

"- Éveillé."

La voix était douce. Chaleureuse. Mais Merbal Descartes ne répondit pas. Il pencha simplement la tête vers la demoiselle.

"- Je vous prie de bien vouloir m'excuser, mais l'Auriculaire sollicite votre présence à ses côtés." reprit-elle "Elle vous attend sur le balcon."

Sur le point de répondre que les fidèles avaient besoin de lui, le fervent se fit devancer par un sourire de la servante.

"- Je me charge de trouver un autre Éveillé pour cet homme de Foi."

Elle pencha une fois de plus son buste avant de repartir sobrement vers un de ses confrères.

Prenant conscience que le choix ne lui était pas permis, Merbal Descartes se dirigea simplement vers le balcon, jetant un regard derrière lui. La servante s'adressait déjà à un autre Éveillé.

Une fois devant le balcon, il se retourna pour constater que deux de ses confrères le rejoignaient. Il les attendit quelques instant, puis une fois en leur compagnie reprit la route vers l'Auriculaire.

"- Auriculaire." salua-t-il en devançant ses collègues.

Messages : 7 Date d'inscription : 13/11/2014

Ils étaient là, devant moi.
L'un d'entre eux, sans doute celui qui se nommait Merbal, me salua.

« Auriculaire. »

Les deux autres éveillés s'approchèrent et s'inclinèrent.
Je me tournai vers le côté gauche et regardai en direction du mur la peinture représentant la Main avec un regard de vénération et me signa.

« Éveillés. Mes enfants... Désirez-vous servir la main ? Désirez-vous servir notre seigneur du plus profond de votre âme ? De votre cœur ? »

Je n'attendis pas leurs réponses et dirigeai mon regard perçant vers eux.

« Cette tâche ne sera pas de tout repos. Votre Foi sera mis à l'épreuve ! Il vous a désigné pour le représenter ici, pour donner la bonne parole au peuple, et aujourd'hui, Il est apparu à la Main, lui confiant une tâche. Et pour l'aider, elle vous a désigné. Soyez fier d'être en aussi haute estime dans son cœur. Car oui, elle vous connaît et sait que votre âme est pure. Elle sera pour toujours accueillie au paradis si vous la servez fidèlement. »

Je laissai un instant de répit, le temps que chacun d'entre eux savoure et prenne en compte mes paroles.
Le deuxième homme du groupe, Lazar Fedire tomba à genoux au sol et se mit à prier. Je m'approchai de lui et lui mis ma main sur la tête. Je lui fis un grand sourire.

« Relève toi mon Enfant. J'ai une tâche à te confier. »

Je retirai ma main de son front. Il se releva.

« Quelle est la tâche que le Seigneur nous a confié ? Que peut-on faire pour lui montrer notre Foi ? »

Je regardai les deux autres éveillés.

« Un enfant du Seigneur, comme vous, est en pèlerinage dans les quartiers populaires. Le Seigneur l'a vu et l'observe. Il apprécie sa dévotion et a vu que des gens mal intentionnés voulaient perturber son pèlerinage, voire attenter à sa vie. Et le Seigneur nous a dit que ce n'était pas son heure. Il nous a confié la tâche de veiller sur lui sans perturber son pèlerinage. Votre tâche sera donc de veiller sur lui. De faire en sorte que rien ne vienne nuire a son acte de dévotion. »

Je me dirigeai vers une table où était posé un gobelet en cuivre rempli d'un liquide couleur or.

« Pour la réussite de cette tâche, je vais personnellement vous bénir. Vous boirez au calice Divin puis je vous dirai ou trouver le Pèlerin et son apparence. Approchez, veuillez accepter ma bénédiction. »

Messages : 10 Date d'inscription : 14/11/2014

L'Auriculaire était là, face à lui. Toujours aussi divine, élégante, elle semblait ne pas avoir vieillie depuis qu'elle l'avait pris sous son aile.

Une fois que ses camarades Éveillés l'eurent salué, Elle contempla la Main. Une image de la Main. Ce n'était pas ce que l'on pouvait appeler une reproduction fidèle et Merbal pensait que personne ne savait à quoi elle ressemblait vraiment, hormis les Doigts.

La femme face à lui, drapée dans ses velours, s'adressa à eux. Elle ne demandait pas de réponse. En tant que représentante divine, elle les connaissait déjà. Ses propos n'avaient pour but que de les sensibiliser à leur devoir.

Et l'Auriculaire était douée. Lazar Fedire en tomba genoux au sol. Non, Merbal ne ferait pas ainsi. Sa fierté se disputait avec sa Foi.

Peu importait. Le devoir était tout ce qui comptait. Les salamalecs étaient superflus. Et lorsque son camarade se releva en posant sa question, l'Auriculaire, de son regard perçant, les regarda chacun leur tour avant de répondre.

Merbal Descartes frissonna. Soudain sa toge pourpre se faisait sentir sur ses épaules. Le tissu semblait humide, collant et le missionnaire réprima un mouvement de gêne. Il ferma les yeux et respira lentement. Il ne devait pas se laisser aller.

Précédant ses deux camarades, il tendit les mains pour attraper la coupe de cuivre et boire le liquide doré.

"- J'accepte." murmura-t-il avant de porter le récipient à ses lèvres.

Messages : 7 Date d'inscription : 13/11/2014

Merbal s'approcha le premier du calice et murmura « J'accepte » avant de porter le calice et de boire une gorgée.
Les deux autres s'approchèrent et l'imitèrent.

« Et ils burent l'essence divine. Prêt à servir notre seigneur et sa plus fervente fidèle. »

Ils ne le savaient pas, mais le produit contenu dans cette coupe avait été conçu par nos laboratoires et avait des propriétés assez spéciales. Normalement, il m'était réservé et je ne le partageais pas, mais je voulais mettre toutes les chances de notre côté.
Ils ne devraient pas se douter de grand-chose, les effets seront attribués à la bénédiction. C'est comme ça que je le voyais.
Ils se sentiraient plus vigoureux, comme s'ils avaient une force insurmontable. Plus de douleurs et le soin d’éventuelles blessures. Tout pouvant être expliqué religieusement. En fait ce produit n'avait que deux défauts. Son côté addictif et sa difficulté à le fabriquer.

Je les regardai tous inconsciemment se redresser quand le produit commença à agir.

« Vous voilà fin prêt à veiller sur l'enfant du Seigneur qui fait acte de dévotion dans le quartier des Marches. »

Un air d'extase apparut à leurs visages. Le côté addictif qui se faisait sentir. Je me remémorai l'extase que donnait l’absorption de ce nectar.

« Je vais maintenant vous décrire le Pèlerin. Et je ne me répéterais pas. »

J'avais hâte que tout ceci finisse. Ces salamalecs commençaient à m'ennuyer, j'avais d'autres taches à m'occuper.

Merbal :

Description du Pélerin

Je fis un pas vers la porte qui menait à mon bureau et les regarda de nouveau. Le moment de béatitude de l'extase avait pris fin. Et j'avais espéré que mes consignes dans ces conditions seraient passées sans question de leur part.

« Avez-vous bien compris votre devoir mes enfants ? Si c'est le cas, je vous invite à aller servir notre seigneur. »

J'ouvris la porte, leur permettant ainsi de sortir. Ma servante attendait dehors pour éviter toute apparition de gêneur le temps de mon sermon.

Messages : 10 Date d'inscription : 14/11/2014

Cette essence divine était bonne. Merbal l'appréciait vraiment. Il se demandait si il ne pouvait en avoir davantage. Non. Ce serait pour plus tard.

En attendant, il ferait son devoir. Il accomplirait sa mission plus efficacement que ses collègues. Car il n'y avait pas plus fervent ou doué que lui. Et Dieu le lui rendait. La toge qui semblait moite et lourde quelques instants auparavant était maintenant comme une seconde peau, légère et seyante.

Quoi qu'il en soit, Merbal l'avait compris. Il devrait se changer pour paraître discret dans son travail. L'enfant du Seigneur, dans le quartier des Marches, risquait de lui donner du fil à retordre, selon sa description. Mais il serait d'autant plus facile de le surveiller qu'il serait aisément identifiable.

Le Missionnaire s'inclina devant l'Auriculaire, puis doucement, prit le chemin de ses quartiers. Il lui fallait modifier sa tenue.

Autour de lui, les fidèles affluaient de toute part dans le Dôme. Des collègues les accueillaient, d'autres discutaient avec ceux qui se recueillaient. Enfin, certains encore accompagnaient en silence les prières des plus zélés. Cela faisait chaud au cœur du fidèle serviteur qu'il était.

Dans le couloir, il était seul. Le tapis sur le sol étouffait les sons. Entrant dans son alcôve, il se prépara pour sa mission.

Messages : 7 Date d'inscription : 13/11/2014

Une fois les Éveillés sortit de mon bureau, je repris une stature un peu plus humaine. Maintenir cette aura de présence autour de moi n'était pas de tout repos. Je soupirai et commençai à ranger le calice dans un endroit plus protégé des regards et des convoitises.
Cela fait, je m'approchai de mon balcon et regardai en bas. Des fidèles et des pèlerins affluaient dans le dôme, et ils étaient accueillis par les enfants du seigneur.
J’aperçus Merbal, qui fendait la foule, en direction sans doute de sa loge pour y vêtir une tenue plus appropriée.
Une fois hors de ma vue je me tournai vers ma servante.

« Félis... »

Elle s'approcha de moi, tout en restant à deux pas de distance.

« Oui Maîtresse ? »

Je rentra dans mon logement.

« Informez la Main que c'est fait . Son œuvre est lancé. »

Elle hocha la tête et commença à se diriger vers la sortie.

« Et... »

Elle s’arrêta, attendant la suite.

« Faites surveiller nos trois Éveillés dans leur mission par un de vos hommes. Et encore plus celui dénommé Merbal. J'ai un drôle de pressentiment sur lui. On verra s'il est bon ou pas à la longue. S'ils échouent où se montre trop bavard, vous savez quelles sont les consignes. »

« Bien Grande prêtresse. Il en sera fait selon vos désirs. »

Elle sortit, me laissant seul à mes pensées. Il était bientôt l'heure de la messe, et je devais me préparer à reprendre mon aura de prestance. Pour cela, je me mis à méditer.